Le père

Il est bizarre, le père. Il lit de grands livres d’histoire où l’on parle des gens du passé qui sont morts depuis si longtemps. Il est bizarre, le père. Il veut partir vivre à la campagne où il n’y a presque personne, juste des vaches et des araignées. Il est bizarre, mais elle l’aime bien. 
Quand elle a du chagrin, elle l’appelle et il vient. Il ne parle pas beaucoup. Il écoute. Il ne dit pas qu’il ne fallait pas faire comme ça ou qu’il faut faire ci ou ça. Il est là, présent, massif, attentif. On lui parle, ça fait du bien. Un instant il est le plus sérieux du monde et l’instant d’après, il taquine. Il rigole. Il est doux. 
Pas si doux que la mère. Elle, c’est la douceur même. Avec elle, tu fonds. Elle te regarde et c’est tout tendre, tout calme à l’intérieur. Tu ronronnes. Mais le père, quand on a besoin de lui, il est là. Et quand il n’est plus utile, il s’en va. Retrouver ses grands livres d’histoire dans sa campagne arachnéenne. Il est bizarre, le père.

Décembre 1999