Impressions d'Italie : Radicofani

Jeudi 24 juin, camping de Monte del Lago, 20 heures

Nous venons d'arriver au camp et je suis complètement lessivé ; encore une fois nous avons voulu en faire trop pour une seule journée. Certes nous n'avons parcouru que 170 kilomètres mais de routes tellement sinueuses que je me sens la tête comme un gyrophare, ce qui n'est pas choquant avec le crâne rouge que je me paie suite au coup de soleil d'hier ; car aujourd'hui, j'ai gardé la casquette. Heureusement en cette saison les journées sont longues et le soleil n'est pas encore couché, il commence à éclabousser le lac de rayons chauds et violents que seul Turner saurait rendre ; je me garderai donc bien d'en prendre une photographie.

A propos de photos j'ai dû en prendre plus de 120 depuis le départ, mais je ne sais s'il en sortira autre chose qu'un reportage touristique ; j'avais l'intention de traiter du thème du voyage de manière assez symbolique mais c'est difficile de tout faire : conduire, visiter, écrire et faire des photographies intelligentes.

Après ma douce somnolence dans le coffre nous avons repris la route de Radicofani dans un paysage vraiment très intéressant, assez sauvage parce qu'il n'y avait pas de villages, mais pas trop aride comme végétation. Les teintes allaient du vert des prairies au jaune des genêts en fleur en passant par l'or des blés bientôt mûrs. Les lignes des vallées et la courbe des collines alternaient et au loin, bleuté, le Monte Amiata nous narguait. Six kilomètres avant d'y arriver nous découvrîmes le piton de Radicofani et dès lors pendant un quart d'heure nous avons roulé jouant à cache-cache avec lui.

Ce n'est qu'en parvenant tout près, que contournant le rocher, nous aperçûmes le village. Nous nous y sommes promenés dans une grande tranquillité car c'était encore l'heure de la sieste et si aucun bâtiment ne sort réellement de l'ordinaire, l'ambiance est historique et ancestrale. Deux églises possèdent quand même des terres cuites de Della Robbia et la vue sur la Toscane s'étend très loin, surtout de la Rocca où l'on monte par une longue route en lacet ; mais nous ne l'avons pas visitée car nous commencions à avoir les guiboles molles.

Il faut dire qu'avant nous avions passé un bon moment à descendre à la Posta, ancienne construction médicéenne du temps de Fernando 1er qui avait transformé là un ancien relais de chasse en relais de poste sur la Via Cassia qui n'avait pas encore été détournée par la vallée de la Paglia. C'est ce relais dont parlent Dickens et Théophile Gautier qui le décrivent comme un hôtel sinistre et glacial, mais c'est un lieu pour moi plein de magie et de mystère, laissé à l'abandon sans sembler vraiment détruit. On rêve d'installer là je ne sais quoi, une communauté, une auberge, un centre d'art international ou n'importe quelle autre utopie du même genre. Nous y avons donc rêvassé un moment sous la voûte ancestrale ou devant la fontaine et j'ai pris quelques clichés avant de remonter au village.

Jean-Luc Dugied