Clap de fin

C'est un homme. Il se regarde dans la glace. Il n'aime pas son reflet. Ce crâne dégarni. Ce visage fripé. Les épaules décharnées. Les poches sous les yeux. Ses yeux encore bleus, mais le regard perdu dans les brumes.
Ce regard qui porte bien mal son nom, avec la vue qui baisse, tout devient flou, confus, manque de finesse. Où est passée la beauté des choses ?

Mais il aime encore moins ce qu'il ne voit pas. La perte de dynamisme, de l'énergie. L'oreille qui n'est plus très fine, ne capte plus l'infinité des sons, saisit mal les conversations. L'usure. 
La fatigue et l'ennui. Le désir qui s'enfuit. Tout ce qu'il rêvait de faire et qu'il ne fera pas. Tout ce qu'il aimait faire et qu'il ne fera plus. Le poids du passé.

Malgré tout, que de belles journées ! Des amis, des voyages, des paysages. Toute une gamme de couleurs, de parfums. Des moments joyeux, tendres, ludiques. Mais se souvenir du passé, est-ce vivre ?
Il voudrait profiter du présent, ne pas s'inquiéter du futur, reléguer le passé. Mais la tâche lui semble difficile, insurmontable. Il comprend qu'avoir des rêves, entretenir des espoirs, permettait de supporter la lente monotonie des jours.

Il n'est pas triste, ni amer. Lucide.
Il attend.

Jean-Luc Dugied
octobre 2023