L'Allée de la Désolation

Déluge de bombes, fracas, terreur.
Dans les maisons éventrées les enfants crient,
les chars détruisent tout sur leur passage,
envoyés par des tyrans sanguinaires.
Partout on augmente les budgets militaires,
les promesses de paix s'envolent,
mais le sang du peuple coule
pour le profit des multinationales.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Dans les hôpitaux publics asphyxiés,
les soignants sont épuisés.
Au dehors, c'est le désert médical,
six mois pour un rendez-vous,
Les médicaments déremboursés,
on arrête de se soigner.
Mais le temps des pandémies
profite aux multinationales.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Dans les campagnes désertées,
des incendies éclatent sur les terres desséchées.
Les paysans surendettés par le système
se pendent au seuil de leurs granges.
On commence à parler de pénurie
dans des pays aux richesses inouïes,
mais cette misère organisée
profite aux multinationales.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Pourquoi économiser l'énergie
quand pousse le champignon nucléaire ?
Exploitation des mineurs africains,
enfouissement des déchets radioactifs,
pollution tragique de l'eau
et le spectre de la catastrophe.
Qu'importe la planète,
pour le profit des multinationales.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Au pays des Droits de l'Homme,
on vote de moins en moins.
Les citoyens n'ont plus confiance,
manifestations réprimées,
droits des travailleurs bafoués.
Si le parlement renâcle, on le fait revoter.
Et cette politique délétère
alimente la bête immonde.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Dans les écoles publiques négligées
on chante le blues du prof.
Se réfugier sur son portable
ne construit pas une société.
On forme des chargés de mission
pour aller gérer la désorganisation.
Mais dans les familles riches
on continue à exploiter les entreprises.

Tout va très bien,
monsieur le Président.

Il nous reste la culture,
la poésie des sentiments,
la richesse de toutes les musiques,
une fenêtre ouverte sur son voisin,
des peintures murales dans les rues,
l'amour, la joie, l'amitié.
Et les intermittents massacrés
continuent de résister.

Des enfants se lèvent
pour dire rien ne va plus.
Ce n'est pas une révolte
monsieur le Président,
non, vous ne rêvez pas,
c'est une révolution.

Jean-Luc Dugied, 2023-2024

(1) Ce titre est bien évidemment un hommage à Désolation Row de Bob Dylan