Vivre

La crise sanitaire que nous traversons vient d'accentuer la tentation du virtuel. Nous en arrivons à organiser des évènements virtuels. Des actions dont nous sommes physiquement absents.
Mais je ne veux pas d'une existence virtuelle !
Je veux du réel, du sang, de la sueur, des larmes[1].

Frères humains, qui après nous vivez…[2]
Je veux de la poésie, de la joie, de la tristesse aussi.
Puedo escribir los versos más tristes esta noche.[3]
Je veux pouvoir rêver le menton dans la main. La main, justement, parlons-en. Je veux pouvoir prendre la tienne dans la mienne, la serrer contre mon cœur, l'embrasser.
Je veux courir dans les jardins, me rouler dans l'herbe, me baigner nu dans les rivières.
Je veux respirer l'air marin, les parfums de tilleul dans les Baronnies, les lavandes, le muguet…
Je ne veux pas rester seul devant mon écran ou mon smartphone. Je veux voir mes amis, rire avec eux, débattre de visu.
Il faudra bien patienter encore.
Mais surtout, ne nous installons pas dans un éternel confinement ravageur. Je pense à L'arrache cœur de Boris Vian, dans lequel Clémentine enferme peu à peu ses enfants pour qu'ils ne courent aucun danger.
Etrange société que celle dans laquelle nous vivons. On veut nous faire porter des masques, alors que naguère si on manifestait masqué, on nous embastillait. Le masque n'est-il pas le symbole de l'hypocrisie ? On veut rouvrir les écoles pour que les parents retournent travailler pour le seul profit des actionnaires, valets du capitalisme.
Refusons de partir… refusons d'obéir…[4]

Debout sur ma terrasse, mon cœur regarde l'horizon que mes yeux ne voient pas.
Je veux des matins clairs, des soleils sans nuages, des soirées douces partagées avec des amis, dans la sérénité retrouvée. Je veux danser à en perdre haleine, chanter à me casser la voix, courir jusqu'au bout de la nuit…

Jean-Luc Dugied
29 avril 2020


[1] en écoutant le groupe Blood, Sweat and Tears
[2] L'épitaphe Villon (dite Ballade des pendus) de François Villon, bien sûr
[3] je peux écrire les vers les plus tristes ce soir du grand Pablo Neruda
[4] vous aurez vu évidemment l'allusion au Déserteur de Boris Vian : 

Et je dirai aux gens:
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir