Impressions d'Italie : Perugia

Extrait de Journal de voyage, 1999

Mercredi 23 juin, camping Cerquestra à Monte del Lago, province de Perugia (Italia), 18 heures

J'écris à l'ombre irrégulière d'un petit chêne sur une terrasse en terre où est plantée la tente à quelques mètres du lac Trasimeno dans ce camping où nous sommes déjà venus deux fois les années passées. Le temps est superbe, chaud, avec un vent léger et on entend des oiseaux et des canards.

Nous sommes partis assez tôt pour Perugia ce matin et nous n'avons pas mis très longtemps à faire les vingt-cinq ou trente kilomètres qui nous séparent de la capitale de l'Ombrie. Malgré plusieurs séjours ici, nous avons tourné un peu avant de retrouver notre parking de la via Pellini où il y avait, heureusement, de la place. Cela nous a fait passer en plein centro storico, ce que je n'aurais pas cru possible si nous ne nous étions pas égarés. Par l'escalator du parking nous avons rejoint la Via dei Priori pour aller vers l'église San Bernardino qui jouxte l'école des Beaux Arts. La place était calme par cette matinée de juin et nous nous sommes assis quelques instants sur un banc à l'ombre avant de visiter cette église très sobre du 15e siècle où nous n'étions jamais entrés.

Puis nous avons déambulé de places en ruelles, revoyant avec plaisir ces lieux déjà bien connus. Le cloître de la cathédrale est en travaux et les galeries repeintes en bleu seront superbes quand cela sera terminé. Nous nous sommes arrêtés un instant au lieu le plus magique de Perugia, un coin particulier de la Via Maestà delle Volte où le décor est hallucinant. Sur une grande hauteur se croisent des arcs d'ogives et des passages suspendus à des niveaux variés, tout s'enchevêtre avec grâce dans une harmonie incroyable et fait perdre le sens de la réalité. Au pied d'un agréable bâtiment, une bande de hippies jouait de la musique et nous ramenait trente ans en arrière, j'étais jeune et bronzé, je sentais bon le sable chaud.

Nous avons revu la délicieuse Volta della Pace couverte de nombreuses voutes et le somptueux Corso Vannucci (Le Pérugin) qui traverse tout le centre du plateau de la Préfecture à la cathédrale tel un décor de cinéma à grande échelle. La Fontana Maggiora devant le Palazzo dei Priori, sur la Piazza del quattro Novembre est enfin rendue à la population. Les sculptures de Niccolo Pisano et de son fils Giovanni ont été bien restaurées et l'on peut redécouvrir les figures symboliques et s'amuser à chercher les Travaux des Mois, les signes du Zodiaque, les Arts libéraux, les épisodes de la Genèse, l'histoire des origines de Rome et les fables d'Esope. La pierre est blanche et les sculptures prennent une belle rondeur qu'il faudrait observer pendant des heures, mais il fait bien chaud en plein soleil.

Nous avons aussi circulé avec plaisir dans la Via Bagliona et les salles labyrinthiques de la Rocca Paolina, vaste ensemble souterrain constitué d'anciennes rues du Moyen Age, couvertes et englobées dans une citadelle au 18e siècle. Nous y sommes entrés par la porte Marzia, accès obligatoire pour qui veut saisir la magie de ce lieu, mais bien sûr nous n'avons pas eu la chance de la première fois, il n'y avait pas de bonzes en robes couleur safran sortant du souterrain.

J'aime cette ville que je pourrais décrire pendant des heures. Perugia possède le même mystère insondable que Venezia, même sans les canaux et les ponts pittoresques... L'absence de l'eau est compensée par cet incroyable dédale de rues se superposant et se croisant à différents niveaux.

Jean-Luc Dugied