Guy

Alors comme ça, tu t'es tiré, en douce, sans prévenir. 
Et les copains, tu y as pensé ?
C'est fou, je rentre chez moi, j'allume l'ordi.
4 mots : "Guy Bedos est mort".
Ça t'aurait fait hurler. Les cons, les pisse-froid, les nécrologues, quel manque d'imagination, quelle trivialité.

Dernière minute.
Tendre : Guy Bedos, ce merveilleux humoriste qui nous a tant fait rire, s'est absenté pour une durée indéterminée.
Réactionnaire : ce salopard de Guy Bedos qui a tant caricaturé nos chers bourgeois conservateurs, vient enfin d'être licencié.
Administratif : Monsieur Guy Bedos, artiste dramatique, nous prie de vous faire part de son changement d'adresse.
Poétique : il nous a réconforté par son humour décapant pendant de nombreuses lunes, Guy Bedos est parti rejoindre les étoiles au firmament.
Amical : il est parti, mais nous garderons de Guy Bedos le souvenir inaltérable d'un homme chaleureux et terriblement humain.
Ils auraient pu avoir un peu d'imagination.
Mais non, 4 mots : "Guy Bedos est mort".

Quand on s'est connus, sur le tournage de L'œuf de Jean Herman, en 1971, j'ai vite ressenti une complicité entre nous.
Qu'est-ce qu'on a pu rigoler !
La fois où tu devais tourner une scène - assez chaste - au lit avec Bernadette Lafont qui n'était pas prête, tu criais "Alors, on tourne, je bande !"
Et tes remarques ironiques sur tout, ça me parlait - comme disent les jeunes aujourd'hui -
Bien sûr je n'étais qu'un jeune assistant obscur et toi un acteur déjà reconnu, mais le courant passait bien.
Et puis comme souvent au cinéma, après plusieurs semaines d'intimité, à la fin du film, on se perd de vue.
Pourtant je t'ai revu, à Tours, quand tu venais faire le show. Quelles bonnes soirées après le spectacle !
Un jour tu m'as dit : "mais tu es un vrai pince-sans-rire". Venant de toi j'ai eu l'impression d'entrer dans une confrérie.
Si tu savais comme on a amusé la famille, un jour avec ma compagne, en mimant le sketch de la Drague.
Bibi va pouvoir continuer à mâcher son chewing-gum.

Depuis, on ne se voyait plus, mais je pensais souvent à toi, pas comme une vedette, comme un ami.
Là, aujourd'hui, tu ne me fais pas rire. Mais bon, une fois en cinquante ans, je te pardonne.
Salut l'artiste.

Post-scriptum.
Si tu veux revenir, n'hésite pas !

Jean-Luc Dugied
29 mai 2020